| novembre 2019 |
Chez Thematis, on voyage et découvre souvent des espaces culturels inspirants. Cette semaine, on revient sur la visite particulièrement marquante du Centquatre-Paris, un centre culturel pluridisciplinaire du 19e arrondissement.
On découvre le Centquatre-Paris un samedi après-midi ensoleillé. Après un bref contrôle de sécurité, on franchit le portail pour arriver dans une cour intérieure. Du bâtiment principal s’échappe de la musique, même plusieurs musiques sans qu’on puisse bien définir d’où elles proviennent. On pousse la porte de ce lieu aux proportions énormes, pour y découvrir une zone centrale bordée de quelques commerces, où plusieurs dizaines de danseurs s’entrainent, répètent. Des hauts parleurs portables sont posés au sol un peu partout, ce qui explique les rythmes et mélodies différents entendus depuis l’extérieur.
Des danseurs contemporains glissent au sol et se mélangent aux danseurs urbains, aux couples de danseurs latins, aux pratiquants de capoeira, aux artistes de rue et d’autres pratiques plus surprenantes, comme les Castells, pyramides humaines typiques de Catalogne. Seul ou en petits groupes, tous sont dans leur transe. De part et d’autre, sont disposés des petits transats, dans lesquels des danseurs se reposent, des gens lisent, des curieux observent. Difficile de savoir où diriger son regard tant il se passe des choses, et d’identifier véritablement qui est acteur ou spectateur dans ce lieu.
Chacun ou chaque groupe de personne est en quelque sorte dans sa bulle. Une bulle qui bouge et parfois touche à une autre bulle. Une interaction, un conseil, un regard curieux et attentif, ou encore une réflexion sont échangés spontanément, sans que ce soit forcé. Le plus frappant, c’est cet esprit de liberté et de non-jugement qui règne ici. La proximité ou la cacophonie de sons ne semble gêner personne dans sa pratique. Au contraire, elle semble faire part du dynamisme du lieu. Étonnamment chaotique, mais envoûtant, ce lieu respire la créativité et l’expression de soi.
Le Centquatre-Paris, une friche culturelle
Mais le Centquatre-Paris ne s’adresse pas seulement aux danseurs. De la zone de pratiques artistiques libres aux expositions, spectacles, concerts et lieux de convivialité, le centre regorge de propositions culturelles. L’établissement, ouvert en 2008 dans l’ancien bâtiment des pompes funèbres de la ville, est né d’une démarche de revalorisation du site abandonné. Ses dimensions impressionnantes offrent une variété d’espaces : grande zone polyvalente pour pratiques libres et événements ponctuels, magasin de seconde main, espace café, zone famille, salle d’exposition etc. Difficile de saisir l’essence même de ce lieu tant il touche à des milieux différents, et même parfois à des « formes d’art non identifiées », selon les mots de son directeur José-Manuel Gonçalvès.
Le Centquatre-Paris fait partie de ce qu’on appelle couramment en France une friche culturelle : un ancien lieu industriel, reconverti en centre culturel et social à plusieurs facettes destiné aux locaux. En plus de son caractère artistique, ce type d’équipement est grandement lié à la politique sociale et urbanistique de la ville, il est un des outils de redynamisation du quartier. Dans une démarche de démocratisation de la culture, le Centquatre-Paris se place comme intermédiaire à plusieurs niveaux pour les utilisateurs du centre : entre artistes et associations culturelles locales et aussi entre les résidents et la ville. Une grande partie de sa programmation est gratuite, pour permettre à tous d’avoir accès à la culture. Mais, le centre a surtout su s’intégrer dans la vie du quartier. La participation du public, par sa zone de pratique libre et par ses activités, rend le lieu vivant et accessible à tous.
En plus de propositions artistiques et culturelles variées mettant en avant les artistes locaux, le Centquatre-Paris invite aussi des artistes de renom et offre des résidences. Dans une mission d’enseignement, il propose des formations et workshops. Intéressé par les nouvelles technologies, le Centquatre-Paris met en place un incubateur de start-up. Le centre va encore plus loin en créant un département d’ingénierie culturelle visant à soutenir les projets de revalorisation de sites patrimoniaux.
La force d’un lieu hybride
Chaque visite est une expérience différente, un spectacle permanent auquel on peut prendre part ou observer ce qu’il s’y passe. Un lieu aux possibilités qui semblent infinies et qui donne envie de revenir. Des visiteurs qui renouvellent leurs visites, le rêve de tous les établissements culturels ! Mais quels sont les facteurs qui font que le Centquatre-Paris y parvient?
La force principale de cet établissement culturel est certainement de constamment être en mouvement. Participer à la création artistique et à la diffusion de la culture dans le même lieu permet au centre de renouveler plus facilement sa programmation : les événements sont moins figés et plus temporaires que dans un établissement classique. Travailler avec les associations culturelles, artistiques et sociales de la région est certainement un aspect clé. Le centre met en avant un esprit de collaboration à tous les niveaux : entre artistes, avec le public, avec la ville.
La polyvalence et la modularité des espaces permet de mettre en place une programmation des plus variée : la zone principale se module autant en théâtre avec une scène et des gradins amovibles qu’en marchés éphémères. Cela lui donne une dimension à la fois évolutive et durable, on lui trouve toujours une fonction.
Le centre utilise la culture pour rassembler et mettre en avant sa mission sociale. Provoque-t-il des rencontres, un véritable brassage de la population ? Difficile de le savoir. Sa réussite en terme financier est difficilement mesurable car son modèle de fonctionnement, basé en grande partie sur les subventions, le rend dépendant de l’état. Néanmoins, sa valeur en tant que source d’inspiration est grande et le lieu a su s’adresser au public local et à faire en sorte qu’il s’approprie les lieux, sans rien imposer.
Lieu de vie ou d’expression pour certains, lieu de création ou de contemplation pour d’autres, le Centquatre-Paris provoque l’envie d’y retourner. Le lieu inspire et fait réfléchir. Et vous ? Avez-vous peut-être aussi l’envie de réfléchir, d’explorer des possibilités et de créer une nouvelle offre culturelle ? N’hésitez pas : venez nous en parler !